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L’OPPOSITION RWANDAISE ET LE VENT DU CHANGEMENT

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SOMMAIRE:
- L’opposition au Rwanda et au-delà
- L’opposition se mobilise à Bruxelles pour le changement
- Le vent de la démocratie en Afrique, le tour du Rwanda et le sort de Kagame

L’OPPOSITION AU RWANDA ET AU-DELA

Hélas, même pour le Rwanda, ce petit pays des Mille collines, le scénario reste assez classique: un régime totalitaire, le FPR (Front Patriotique Rwandais), dirigé par une faction d’extrémistes Tutsi, fait régner la terreur, dans et en dehors du territoire national, sur sa population Twa, Tutsi (phénomène récent) et Hutu confondus.

En ce qui concerne ces derniers, groupe majoritaire, ils sont souvent stigmatisés d’interahamwe (extrémistes Hutu, impliqués dans le génocide de 1994) et/ou sympathisants du FDLR (Force Démocratique de Libération du Rwanda): parti politique et militaire créé par des réfugiés Hutu en République Démocratique du Congo. L’actuel régime de Kigali accuse les FDLR d’abriter des interahamwe. Pourtant, aussi effrayant que cela puisse paraître, la menace externe provenant des FDLR est plus symbolique que réelle. En effet, après le génocide de 1994, le FPR a su réprimer les interahamwe, au-delà même du territoire national. C’est ce qui fait la légitimité de Paul Kagamé, jusqu’à ce jour. Il est vrai que pour de nombreux Tutsi, surtout les rescapés du génocide, l’interahamwe c’est la hantise suprême, juchée derrière la porte d’en face! Et Paul Kagamé ne l’ignore pas. Il joue la carte populiste, à savoir Ibuka… («Rappelles-toi…»). Évoquer des angoisses primitives rappelant les images du génocide comme joker dans ses discours peut paraître malsain, mais la formule marche. C’est de la politique après tout.

Les forces opposantes, de la branche dite «pacifiste», sont les partis FDU Inkigi (Forces Démocratiques Unifiées); PS (Parti Social) Imberakuri de Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda respectivement et enfin, le Democratic Green Party of Rwanda de Frank Habineza. Donc une opposition politique est bel et bien présente au Rwanda. Mais elle est (encore) mal organisée, parce que constamment châtiée et atomisée par le FPR. Il n’y qu’a voir les leaders du FDU et PS – actuellement emprisonnés pour «atteinte à la sécurité nationale» et «collaboration avec des réseaux terroristes». Des allégations sans preuves formelles, utilisées outrageusement, dans le seul but de faire taire toute voix critique. Victoire Ingabire (elle résidait au Pays-Bas, avant d’être la prisonnière de Kagamé, à Kigali), est la Aung San Suu Kyi rwandaise. En se rendant dans son pays d’origine, pour défier le despote, elle s’est sacrifiée pour ce qu’elle pensait être une cause nationale. Son incarcération, quasi automatique, est une alerte rouge, à savoir que tout(e) contredisant(e) est persona non grata au Rwanda: «délit» pénalement punissable, pour le bien et la sécurité de la nation. Plus grave encore, dans le cas du Green Party, cité plus haut, son vice-président, André Kagwa Rwisekera, fut sauvagement décapité en 2010, quelques semaines avant la tenue des élections présidentielles. L’enquête fut classée sans suite par les autorités locales. Bien que ces trois partis appellent à une «simple» ouverture politique, ils vivent l’enfer. A vrai dire, au Rwanda, c’est l’un des pires endroits pour vivre quand on est un opposant aspirant à la démocratie.

Sachant cela, le champ d’action le plus sûr pour un dissident est à partir de l’étranger, soit via le monde virtuel: le PS reste actif sur son site imberakuri.org; de même que le Green Party, sous rwandagreendemocrats.org et le FDU-Inkigi sur fdu-rwanda.com. La diaspora exilée en occident, à savoir Belgique, France, Angleterre, Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Canada et États-Unis essentiellement, a les moyens et infrastructures nécessaires pour faire entendre sa voix et proposer une alternative au FPR.

Des anciens hauts cadres du clan FPR qui ont fui Kagamé ont fini par créer un parti d’opposition, le RNC (Rwanda National Congress). Les membres fondateurs se nomment: Patrick Karegeya, Dr. Théogène Rudasingwa, Gérald Gahima et Kayumba Nyamwasa. Ils connaissent mieux que quiconque les faiblesses du parti unique, qu’ils ont d’ailleurs participé à créer. Ils savent où se trouvent les points vitaux. C’est de loin la menace la plus nerveuse pour l’homme fort de Kigali. Pour beaucoup d’observateurs, c’est celle-là même qui va déterminer le futur proche du Rwanda. Mais encore une fois, Paul Kagamé a l’œil. Il envoi, à tour de rôles, des émissaires sur les quatre continents pour s’informer d’une éventuelle union définitive entre RNC/FDLR: le cocktail explosif pour le Rwanda.

Les discours du FPR sont à analyser dans le sens qu’ils font partie intégrante d’un processus qui va de pair avec la création du modèle de l’Etat-nation homogène, donc à la pensée unique. Par conséquent, au Rwanda, l’ennemi de la nation ne peut venir que de l’extérieur – avec son discours «allogène» et dissonant (démocratie, Etat de droit, Justice pour tous, etc.). “Non”, dit Kagamé. Ce n’est pas à l’extérieur de déterminer ce qui est bon pour l’autochtone.

Paul Kagamé est encore vu par les investisseurs étrangers comme un “visionnaire” qui a transformé le Rwanda en un petit miracle économique. Mais on oublie que le pays dépend en grande partie de l’aide extérieure. Son économie est donc très susceptible aux changements brusques. Au niveau politique par contre, il est à la limite du tolérable. Un revirement qui s’est opéré depuis la fuite du Rapport Mapping de l’ONU, en septembre 2010: celui-ci accuse son armée de crimes contre l’humanité, voire crimes de génocide à l’est de la R.D.Congo, de 1993 à 2003. Il est par conséquent risqué de s’afficher avec Kagamé – pour ne point heurter l’opinion publique, assez sensible.

Un fait est là: le FPR est très fragile. Celui-ci a souvent basé sa campagne politique sur des discours statiques et culpabilisants: la mémoire des Tutsi massacrés en 1994 – pour bénéficier de l’aide financière internationale. «Où étiez-vous en 1994?» – rétorque encore Kagamé à l’occident. Un chantage qui occulte complètement les exactions commises par l’APR (branche armée du FPR) dans le R.D.Congo, favorisant ainsi une culture de l’impunité dans la région des Grands Lacs. Un autre élément qui fragilise le parti unique est l’ouverture de la boite de pandore, c’est-à-dire toute la vérité sur l’attentat meurtrier contre les deux présidents Hutu, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira (du Burundi), le soir du 06 avril 1994. À ce propos, il n’y a pas encore eu une justice équitable, seule capable d’amener à une réconciliation nationale authentique. La première est biaisée: les tribunaux «traditionnels» gacaca d’une part et le TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) d’autre part, excluent le jugement des responsables des massacres de Hutu, depuis la guerre civile de 1990, à aujourd’hui, en passant par les atrocités commises en 1994 et l’épuration ethnique dans les camps de réfugiés de 1995 à 2003.

Une réalité amère pour le FPR, c’est qu’il va devoir composer dans le futur avec une opposition de plus en plus diversifiée et organisée. Notamment avec, en dehors des déjà cités précédemment: Urunana RDU (Ralliement pour l’Unité et la Démocratie) et leur site rud-urunana.org ; le PDR (Party for Democracy in Rwanda) de Paul Rusesabagina et son site ihumure.org ; le blog du Père Théophile Murengerantwari et son parti, le MDPR-Intaganda (Mouvement Démocratique du Peuple pour la Réconciliation); le FLN (Front de Libération Nationale) de John V. Karuranga ; le RPR (Rassemblement Populaire Rwandais) de Gérard Ntashamaje ; le PDP-Imanzi de Deogratias Mushayidi, incarcéré à Kigali, mais son parti reste toujours actif, notamment sur pdp-imanzi.org. Pour ne citer qu’eux.

Bref, le FPR n’a plus le monopole qu’il avait au lendemain de la guerre de 1994. Aujourd’hui, il y a des alternatives. De plus, les exactions des services secrets FPR commencent à «dégoûter» de plus en plus l’opinion publique rwandaise et internationale. Soit le FPR s’adapte, soit il continue à s’enfoncer dans la mégalomanie – radicalisant et gonflant davantage l’opposition. Si vraiment Paul Kagamé se soucie du sort de son peuple, il est grand temps qu’il lâche du lest.

L’OPPOSITION SE MOBILISE A BRUXELLES POUR LE CHANGEMENT

C’est une marée humaine qui a investi la rue Washington au cœur du quartier d’Elsène à Bruxelles. C’est là que s’est tenu le meeting des partis politiques RNC et FDU le 31/07/2011.

Théogène Rudasingwa, (Washington), du RNC, a insisté sur la coopération en construction entre son parti, le RNC, et les FDU-Inkingi et a invité les autres forces politiques à adhérer à la plate-forme de collaboration de ces deux partis.

Le président du Comité de coordination des FDU, Nkiko Nsengimana (Suisse), est revenu sur le contenu du rapport Mapping et a souligné que leurs mouvements s’attèlent à demander qu’il ne soit pas enterré consacrant ainsi l’impunité de Paul Kagame et de ses hommes. Il a été sceptique sur le développement économique tant vanté au Rwanda car les gens sont en train de mourir de faim. Il a fustigé le HCR qui veut céder aux demandes de Kigali de mettre en exécution la clause de cessation de la qualité de réfugiés pour les rwandais. Le pays est plus que jamais instable et l’insécurité des personnes et des biens règnent en maître. Dans ces conditions, il est inconcevable, a-t-il martelé, que l’on veuille priver les réfugiés de leurs droits.

Quant à Jonathan Musonera, du RNC, a rendu un hommage appuyé à Victoire Ingabire Umuhoza qui croupit dans les geôles rwandaises. Il l’a comparé à Ndabaga, cette héroïne de la mythologie rwandaise qui, après avoir intégré l’armée en se faisant passer pour un homme en remplacement de son père, a été sur le champ de bataille pour terrasser les ennemis qui attaquaient le pays. Il a rappelé le discours de Victoire Ingabire, du 16 janvier 2010, au mémorial de Gisozi, dédié aux victimes du génocide des Tutsi. Dans ce discours, elle plaidait pour la reconnaissance des massacres des Hutu, car les tueries au Rwanda n’avaient pas concerné que les Tutsi et des crimes de masse avaient été également commis à l’encontre des Hutu. Elle à été emprisonnée pour le péché d’avoir rappelé que tous les criminels de tous bords devaient répondre de leurs actes. Musonera annoncé le calendrier des actions à venir : il est envisagé prochainement un sit-in à Genève pour protester contre le projet de cessation de la qualité de réfugiés pour les Rwandais; une manifestation à Paris le 12/9/2011 à l’occasion de la visite du président Paul Kagame en France; une manifestation en Australie car Kagame envisage y faire une visite; une manifestation à Londres au siège du Commonwealth.

Revenant sur la question des réfugiés, Michel Niyibizi (Belgique) a détaillé les raisons qui montrent que le Rwanda n’est pas un pays sûr de façon que les réfugiés peuvent rentrer en toute sécurité: au Rwanda, le FPR a le monopole politique; la presse est muselée et les journalistes assassinés; il y a des violations constantes des droits de l’Homme; il n’y a pas d’indépendance de la justice. Il a rappelé que le Rwanda est l’un des rares pays au monde à avoir bombardé sa population réfugiée, soit à Kibeho en 1995, soit dans les camps de l’ex-Zaïre en 1996-1998. Il a informé le public qu’une lettre signée par 34 ONG et les deux formations politiques RNC et FDU a été envoyée au Haut Commissaire du HCR pour revoir la clause de cessation qui doit prendre effet le 31/12/2011.

De son exil en Afrique du Sud, le général Kayumba Nyamwasa s’est appesanti sur la sécurité des personnes au Rwanda et à l’étranger. Il a rappelé l’emprisonnement arbitraire de l’ex-président Pasteur Bizimungu pour le seul crime d’avoir voulu fonder un parti politique. Il a été de même de Maître Ntaganda, de Déo Mushayidi et de Victoire Ingabire qui croupissent en prison pour avoir voulu exercer leurs droits politiques. Pour lui, les Rwandais de l’extérieur ont encore la liberté de parole. Ils doivent faire tout pour dénoncer les dérives du régime de Paul Kagame. Le mot d’ordre lancé par Nyamwasa est de lutter contre Paul Kagame et ses services de sécurité qui envoient des tueurs à gage à l’extérieur. Il faut les dénoncer, comme il est capital de dénoncer les diplomates rwandais qui leur servent de couverture. Principal concerné par les mandats d’arrêts espagnols délivrés contre 40 hauts responsables du FPR, à propos des crimes lui reprochés, il a fait remarquer que depuis qu’il est en Afrique du Sud, aucun dossier ne lui a été soumis. Aucun juge, aucun service, ni la justice espagnole ne l’ont jamais convoqué pour s’expliquer sur ces accusations. Il s’est dit prêt à répondre de ses actes devant la justice et pour ce faire, il a préparé son dossier. A ceux qui voudraient qu’il prenne l’initiative de se présenter lui-même devant la justice, il dit qu’il préfère répondre aux convocations éventuelles qui lui seraient adressées, ce qui n’est encore le cas depuis plus d’une année qu’il est en Afrique du Sud.

Chargé de l’information au sein des FDU, Emmanuel Mwiseneza, a souligné l’importance de l’utilisation de nouvelles technologies de l’information en politique. Il a rappelé que les réseaux sociaux et les forums de discussions, ont montré leur efficacité pour la destitution des dictatures. Il a informé le public que le site web officiel des FDU est www.fdu-udf.org, que les autres sites avec le sigle FDU ne sont que des usurpations.

Paul Rusesabagina est intervenu pour parler de la réconciliation qui doit être recherchée par les formations politiques et les ONG de la société civile rwandaise et que cette réconciliation passe par la vérité.

Jean Mari Ndagijimana (France) a informé le public qu’il a été mis sur pied un «Collectif des victimes de masse de la région des Grands-lacs» (Covigla). Cela a été motivé par le fait que tout rwandais est rescapé. Il n’y a aucun rwandais qui n’ait perdu un membre de famille depuis que le FPR a attaqué le pays en octobre 1990 jusqu’à ce jour. Le Collectif va rassembler des témoignages de ceux qui ont perdu les leurs pour saisir la justice. Le premier acte d’accusation devra concerner le président rwandais Paul Kagame pour les crimes commis au Rwanda et en RDC. Il devra être déposé devant la justice française avant la venue du président rwandais en France, prévue le 12 septembre.

Gérard Karangwa, (Pays-Bas), du PDP-Imanzi de Déo Mushayidi, en prison au Rwanda, a démontré qu’il existe au Rwanda une ségrégation qui fait des Hutu des citoyens de seconde zone. Comme exemple, il montré que dans l’enseignement supérieur, les bourses d’études ont été coupées. Mais les enfants tutsi eux bénéficient de ces bourses via le FARG (Fonds d’aide aux rescapés du génocide). Donc la mesure n’a frappé que les enfants hutu. Cela est également vrai pour les études à l’étranger. Ce sont presque exclusivement des enfants tutsi qui les reçoivent. Dans l’armée, c’est la même chose. La prépondérance des Tutsi est écrasante. Ainsi parmi les 163 officiers promus récemment, il n’y avait que 13 hutu. Tous les services de sécurité sont 100% gérés par les Tutsi.

Jean Baptiste Ryumugabe (Belgique), représentant du PS Imberakuri a, lui aussi, fait remarquer que la politique au Rwanda est dominée par le mensonge, comme par exemple avancer qu’il n’y pas d’ethnies, mais en même temps dire qu’il ya eu génocide des Tutsi.

Sylvain Sibomana, secrétaire général du Comité exécutif provisoire des FDU au Rwanda, a montré que leurs militants continuent de subir des tracasseries voire des emprisonnements par les forces de sécurité.

Alice Muhirwa, trésorière du parti, a informé l’assistance que Victoire Ingabire est en totale isolement dans sa cellule. Elle n’a pas droit de sortir pour assister à la messe dominicale ni prendre de l’air dans le préau de la prison comme les autres détenus. A cela s’ajoute que les visites lui sont interdites depuis un certain temps. Toutefois, Muhirwa la rencontre chaque jour, car c’est elle qui lui apporte à manger en prison. Muhirwa s’est inquiétée de la détérioration de la santé de Victoire Ingabire. Elle souffre notamment des dents. Pour consulter un médecin, les autorités de la prison ont exigé la permission du Commissaire général. Les collaborateurs de la présidente ont écrit une lettre et l’autorisation a été accordée. Mais les services de sécurité sont passés à côté pour aller dissuader le médecin qui devait la consulter.

Un participant a relevé le silence des partis politiques sur les pratiques quasi criminelles du régime comme par exemple la vaccination obligatoire des jeunes filles rwandaises contre le cancer de l’utérus avec un vaccin contesté. Joseph Ngarambe, du RNC, a rappelé que le vaccin contre le cancer du col utérin est contesté par des uns, mais que scientifiquement, il n’y pas une étude scientifique sur laquelle on peut s’appuyer pour le dénoncer.

Eugène Ndahayo, chef de file d’une branche des FDU, dans la Newsletter parue le 1er août, au lendemain de la conférence, estime que «tolérer des gens soupçonnés de crimes au sein des organisations politiques et préconiser l’impunité pour des génocidaires, des tortionnaires, des maffieux et autres responsables de la tragédie rwandaise, c’est que plus rien ne semble avoir de sens, c’est que nos valeurs sont à la dérive», avant d’ajouter qu’«un génocide et ses victimes ne se marchandent pas; tous les génocidaires et autres criminels hutu et tutsi au pouvoir ou dans l’opposition, en fuite ou pas, doivent répondre de leurs crimes devant la Justice».

La grande affluence au meeting s’explique sans doute par les récents déboires du régime, qui semblent annoncer un tournant entre le régime de Kigali et ses principaux alliés, mais aussi et, peut être, surtout par un sentiment de ras-le-bol de la communauté rwandaise, lasse des divisions, des espionnages, du climat de peur, de l’ethnisme, des tueries, des emprisonnements, de l’injustice, du mensonge et de la dictature. Ce ras-le-bol s’est traduit en paroles par les propos de Jonathan Musonera lors de la conclusion de son intervention: «enough is enough».

LE VENT DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE, LE TOUR DU RWANDA ET LE SORT DE KAGAME

Au cours des derniers mois, nous avons observé des soulèvements inattendus de populations opprimées au nord de l’Afrique et au Moyen-Orient. Des foules de gens sont sorties dans les rues contre leurs gouvernements pour réclamer plus de liberté et de démocratie.

Cela a rappelé au monde que c’est dans la nature humaine d’être libre et que lorsque ce droit fondamentale est limité ou dénié par la force, la situation aboutit souvent à un point où l’être humain utilise tous les moyens possibles pour acquérir cette liberté.

Des réactions fortes, souvent brutales, utilisées par les populations pour réclamer leur liberté démontrent aussi que celle-ci est une condition essentielle pour assurer l’épanouissement de l’être humain en valorisant son potentiel pour son bien-être individuel et collectif.

Nous avons vu que la croissance économique et durable des pays ne peut pas freiner la révolution des populations lorsque la liberté leur est déniée.

Dans son article récent publié dans le journal syndical ‘’Project syndicate’’, le président de la Banque Africaine de Développement et ancien ministre des finances du Rwanda, M. Donald Kaberuka a écrit: «Comme un volcan longtemps en sommeil profond qui soudainement entre en éruption, les révolutions qui ont balayées l’Afrique du Nord – dans un contexte de forte performance économique – a surpris tout le monde». Il a ensuite ajouté » La leçon des soulèvements en Afrique du Nord est claire: il ne s’agissait pas d’une révolution idéologique, mais de liberté, d’inclusion sociale, de voix politique et de responsabilisation du gouvernement».

Ces révoltes et révolutions des populations en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont déclenché une nouvelle façon de voir et d’analyser ce qui peut potentiellement se produire au Rwanda: à savoir qu’un jour la population rwandaise pourra agir de la même manière pour réclamer sa liberté, étant donné que les populations des pays qui ont changé de pouvoir récemment par des soulèvements populaires avaient des griefs identiques ou similaires à ceux de la population rwandaise.

Ceci m’amène à me demander quel sera le sort de l’actuel président rwandais Kagame. Y a-t-il encore une chance de changer son régime dictatorial ou est-il déjà trop tard?

Les signes montrent que le vent de la démocratie est entré au Rwanda et qu’il est dans sa phase initiale. Il y a un nombre croissant d’opposants politiques dans le pays et en exil, de plus en plus de membres du parti au pouvoir qui quittent ce dernier ainsi que leurs fonctions au sein du gouvernement, pour protester contre les méthodes de gouvernance dictatoriales du président Kagame. On remarque une augmentation du nombre de plates-formes médias qui sont de plus en plus critiques au régime actuel, un nombre croissant de jeunes qui utilisent internet et des sites de réseaux sociaux, pour exprimer leur malaise avec l’actuel régime: tous sont des signes très significatifs de changement. Il est actuellement évident que des voix de plus en plus nombreuses appellent à plus de liberté et de démocratie au Rwanda.

Malheureusement pour le régime actuel, plus il fait tout son possible pour supprimer ce vent de changement, plus ce vent se renforce. Je préférerais que ce vent de liberté n’atteigne pas la phase forte de la tornade, malgré qu’à cette phase il peut amener la liberté et la démocratie réclamées.

A ce moment-là les dommages collatéraux qui peuvent être causés par ce vent de changement seraient sans aucun doute déplorables.

Je crois fermement que Kagame a la clé qui peut empêcher l’irréparable, en prenant des mesures nobles qui ouvrent aux Rwandais le chemin de la liberté, de la démocratie et de la réconciliation véritables.

Les plus importantes de ces mesures nécessaires seraient les suivantes:

- La libération de tous les prisonniers politiques, militants des droits de l’homme et journalistes

- L’ouverture de l’espace politique

- L’organisation d’un véritable dialogue inter-rwandais hautement inclusif, afin de favoriser la vraie réconciliation nationale et ouvrir la voie à la liberté et à la démocratie.

Chaque jour qui passe, le vent de la liberté se renforce et diminue rapidement les chances de Kagame et son régime de rester au pouvoir pour longtemps. Si Kagame considère ces mesures simples et importantes, il entrera sans aucun doute dans l’histoire du Rwanda comme un dirigeant politique qui, au courant de son régime dictatorial et d’oppression, a modifié le cours de son parcours politique et idéologique, afin de mettre son pays sur le chemin de la liberté et de la démocratie avec une paix durable, soutenue par une population réconciliée. Ces actions éviteraient finalement à Kagame d’être capturé de la même façon que Saddam ou Gbagbo ou contraint à l’exil au même titre que Ben Ali et autres.

Il est largement documenté et connu que le régime de Kagame a commis beaucoup d’atrocités, aussi bien au Rwanda que dans des pays limitrophes, particulièrement en République Démocratique du Congo et en Ouganda. Par l’observation et l’analyse de ses actions actuelles, il est évident et clair que ces dernières sont inspirées et influencées par une grande peur de perdre le pouvoir, dans le cas où la démocratie et la liberté atteindraient son pays et de finir par être jugé et puni pour sa responsabilité dans toutes ses exactions criminelles, passées et actuelles.

Afin de contrecarrer le vent du changement et ainsi conserver le pouvoir, Kagame et son régime utilisent diverses méthodes qui combinent l’oppression des opposants et les attaques contre les critiques. En outre, il met tout en œuvre pour peaufiner son image internationale de héro de son peuple et de célèbre leader visionnaire.

L’oppression des opposants et les attaques contre les critiques consistent en des assassinats et des tentatives d’assassinats d’opposants, l’interdiction de la liberté d’expression et des médias, l’emprisonnements des dissidents, l’entrave ou l’interdiction des actions des organisations internationales des droits de l’homme au Rwanda, etc. …

La promotion de son image inclut l’utilisation d’entreprises européennes et africaines de relations publiques pour l’aider à embellir son image à l’échelle internationale comme un chef qui a obtenu des résultats économiques exceptionnels, qui a instauré la stabilité et mis un accent particulier sur la promotion de la femme. Cette belle image est véhiculée à travers des articles dans les journaux, des documentaires pour les chaînes de télévision, des discours organisées dans les universités de part le monde, etc …

Malheureusement pour lui, ces méthodes ne peuvent pas triompher contre la détermination du peuple qui aspire à la liberté. L’histoire du monde à travers le temps nous enseigne que la volonté du peuple de se libérer a toujours triomphé contre toute forme de répression.

Dans le cas où il décide de ne pas prendre la voie du changement voulu par le peuple, il sera capturé dans un sens ou dans l’autre et entrera dans l’histoire comme l’un des pires leaders que son pays et la région aient connus, qui a apporté la souffrance et la mort à son peuple. Sa période de gouvernance sera considérée comme la pire période de l’histoire de son pays.

Un ancien membre du Front Patriotique Rwandais vivant actuellement en exil à Londres estime que, compte tenu de la personnalité de Kagame, il est peu probable qu’il se plie à la volonté du peuple, en acceptant d’initier des changements appropriés et nécessaires au Rwanda.

Au cours des dix dernières années, la démocratie et la liberté ont été solidement installées dans de nombreux pays africains et leurs populations en profitent actuellement. La liberté des médias, l’espace politique et la participation à la gérance du bien public, les élections libres et justes, ainsi que le transfert pacifique du pouvoir sont devenus dans ces pays une normalité quotidienne. Parmi ces pays on peut citer le Bénin, le Ghana, la Zambie, le Botswana, la Namibie, le Malawi, l’Afrique du Sud, etc … Le Rwanda ne sera pas laissé, pour longtemps, coincé dans les années 1970-1980, quand la plupart des pays africains étaient dirigés par les commandants militaires que se succédaient et qui dirigeaient leurs pays au bout des fusils et canons et en terrorisant leurs peuples.

Les expériences du génocide et des massacres des populations, la crise des réfugiés et les graves abus de droits humains devraient avoir déjà transformé le Rwanda en un pays modèle de liberté, de démocratie et de l’inclusion sociale, parce son peuple a beaucoup souffert à cause du manque de ces valeurs. Les leaders et politiciens rwandais devraient actuellement être déjà devenues des experts et des modèles de la promotion de ces valeurs, parce qu’ils ont connu le pire des conséquences causées par le manque de ces valeurs.

Les Rwandais n’ont pas besoin de beaucoup de choses et ne demandent pas l’impossible à Kagame ou à tout autre politicien. Ils ont juste besoin d’un état de droit, de liberté et du respect de leurs droits en tant qu’humains. Ils ont besoin d’un pays où les institutions ont plus d’importance que les individus et leur apportent protection, cohésion sociale, développement,…

Je ne doute pas que bientôt la liberté et la démocratie arriveront certainement au Rwanda. Ce dont je ne suis pas certain c’est comment elles y atterriront. Cela dépendra uniquement de la nature des mesures et décisions relatives à la gouvernance que le président Kagame prendra dans les prochains mois. C’est cela qui déterminera également le sort de ce dernier.

 Rete Pace per il Congo.


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